Des regards croisés sur le supermarché, entre France et Etats Unis
- Dr. Andrea Fesi
- Mar 27
- 5 min read

Photo via Tunisie Numérique.
Quand on voyage ou encore quand on s’établit dans un nouveau pays un des premiers endroits indispensables à la survie est bel et bien le supermarché de taille petite, moyenne ou géante, avec ses enseignes lumineuses, ses produits - souvent achalandés des quatre coins de la planète - qui se retrouvent au même endroit, avec des emballages qui, des fois, nous rappellent « la supérette en bas » ou « l’Arabe du coin » de notre appartement à Paris ou encore nos pirouettes à la recherche du bon prix dans les allées affolées de gens d’un hypermarché de banlieue, comme Leclerc ou Auchan, en fin de semaine. Les épiceries comme les supermarchés sont, depuis leur création, l’étendard de l’évolution non simplement dans le domaine commercial mais également humain. À Paris, par exemple, les épiceries de quartier ont évolué au rythme de l’immigration, comme l’achalandage de produits européens ou exotiques aux Etats Unis dans les mastodontes de la grande distribution. Malgré des techniques de ventes de plus en plus sophistiquées, qui peuvent pousser à l’achat compulsif ou raisonné, au centre de tout demeure encore « le client » qui a un rôle capital pour l’évolution du secteur.
Les comportements d'achat des clients français et américains dans les supermarchés présentent à la fois des similitudes et des différences notables, comme le révèle le livre Regarde les lumières mon amour d'Annie Ernaux et d'autres observations sur les habitudes de consommation des deux pays. Selon l’autrice, les supermarchés, qu'ils soient en France ou aux États-Unis, jouent un rôle central dans la vie quotidienne des consommateurs. Annie Ernaux souligne que l'hypermarché est "un grand rendez-vous humain" où se côtoient des individus de tous horizons, reflétant la diversité de la société. Cette observation s'applique également aux grandes surfaces américaines, qui sont devenues des lieux de convergence sociale. Dans les deux pays, les supermarchés exercent une influence considérable sur les comportements d'achat. L’écrivaine note l'incitation à la consommation et les stratégies marketing employées pour encourager les achats. Ces techniques sont tout aussi présentes dans les supermarchés américains, où la promotion des produits et les offres spéciales sont monnaie courante. Mais tout de même, plusieurs différences sont également à signaler sur plusieurs fronts, comme il a été constaté par les travaux effectués dans le cadre d’une enquête sur les techniques des ventes dans la classe de français réalisée par trois élèves de troisième, Edouard Griolet, Hélène Stievet (3ème2), Chiara Hildreth (3ème3). La majorité des différences résident sur plusieurs pôles : l’approche à la consommation, sur les préférences d’achats, sur le service client et sur le rapport à la consommation.
Les consommateurs français sont généralement plus exigeants et réfléchis dans leurs achats. Ils sont plus susceptibles de comparer les prix et de rechercher des produits de qualité. En revanche, les Américains ont tendance à être plus impulsifs dans leurs achats et sont plus réceptifs aux promotions. En France, il existe encore une forte tradition d'achats dans des commerces spécialisés comme les boulangeries, les boucheries et les fromageries, carrefours des plus grands appétits. Les Français - on le sait - apprécient particulièrement les aliments frais et de saison. Aux États-Unis, la tendance est à la consolidation, avec une préférence pour les magasins offrant une grande variété de produits, sans suivre les contraintes saisonnières ou structurelles, sous un même toit.
Le service client diffère significativement entre les deux pays. Aux États-Unis, l'accent est mis sur un service personnalisé et attentif, notamment dans des chaînes comme Trader Joe’s ou encore Whole food. En France, comme le suggère Ernaux, le service tend à être plus discret, voire en diminution avec l'introduction de technologies comme les caisses automatiques, qui aseptise le rapport humain. En effet, l’écrivaine déplore la déshumanisation progressive des hypermarchés français accentuée par l'introduction de technologies comme les scanners en libre-service ou la mise en place de systèmes sans contact. Cette tendance est également visible aux États-Unis, où l'automatisation gagne du terrain, dans le pays où la livraison ou le « drive thru » prennent de plus en plus pied.
Il ne faut pas tout de même oublier que les comportements d'achat des clients français et américains influencent considérablement les stratégies marketing des supermarchés, qui doivent s'adapter aux spécificités culturelles et aux préférences de chaque marché, en agrémentant une nouvelle « art » celle du « facing »
Les Américains sont généralement plus individualistes et impulsifs dans leurs achats, tandis que les Français sont plus collectivistes et réfléchis. Cette différence fondamentale se reflète dans les approches marketing : Aux États-Unis, les campagnes sont plus axées sur le produit et la promotion, avec des messages directs et persuasifs, en revanche, en France, le marketing se concentre davantage sur la relation client et la valeur du produit, avec des messages plus subtils et nuancés. Les consommateurs français sont généralement plus exigeants et comparent davantage les prix et la qualité des produits. En conséquence, les supermarchés français mettent l'accent sur la valeur et la qualité dans leurs stratégies marketing. Les Américains, quant à eux, sont plus réceptifs aux promotions et aux achats impulsifs, ce qui pousse les supermarchés américains à multiplier les offres spéciales et les incitations à l’achat. Les comportements d'achat influencent également les canaux de vente privilégiés: aux États-Unis, les consommateurs sont plus enclins à acheter en ligne, ce qui pousse les supermarchés à développer leurs stratégies de e-commerce, au contraire en France, les achats en magasin restent prédominants, incitant les supermarchés à se concentrer sur l'expérience en magasin et le marketing de proximité.
Les supermarchés adaptent également leurs programmes de fidélisation en fonction des comportements d'achat : aux États-Unis, les cartes de fidélité sont largement utilisées pour encourager les achats répétés et collecter des données sur les habitudes de consommation. En France, les stratégies de fidélisation se concentrent davantage sur la qualité du service et la personnalisation de l’offre. Les supermarchés dans les deux réalités intègrent de plus en plus les technologies dans leurs stratégies marketing pour s'adapter aux comportements d'achat modernes comme la géolocalisation ou encore à l'utilisation de notifications mobiles pour attirer les clients à proximité des magasins. Il ne faut pas oublier également l’emploi de la réalité augmentée pour la mise en place d'expériences d'achat innovantes visant à stimuler l'engagement des consommateurs, comme chez des acteurs du marché français (Groupe Mulliez) ou encore dans la filière alimentaire du géant des achats en ligne américain (Amazon). Ce dernier prône, en particulier, sur l’analyse des données clients pour proposer des offres sur mesure et améliorer l'expérience d’achat.
Bien que les comportements d’achat des Français et des Américains présentent des différences notables, influencées par leurs cultures respectives, les supermarchés des deux pays adaptent leurs stratégies marketing pour répondre à ces spécificités, tout en faisant face à des défis communs liés à l’évolution du commerce de détail, que l’on peut aussi découvrir avec plusieurs contenus proposés par des influenceurs qui s’amusent, sur des plateformes comme tiktok ou encore Instagram, à réaliser des vidéos souvent hilarantes sur ces deux pays et sur leurs habitudes de consommation.

Photo par folio.
Le livre d’Annie Ernaux - un livre à ne pas rater et disponible à la bibliothèque du HS - offre une perspective précieuse sur ces dynamiques, soulignant l’importance des supermarchés comme miroirs de la société contemporaine et mettant en lumière la nécessité d’approches ciblées, tenant compte des préférences, des canaux de vente et de la réceptivité aux promotions propres à chaque culture.
Que l’on soit français, américains, italiens ou encore espagnols, nous sommes les produits de ce système et, c’est pour cela, qu’il faut toujours acheter de manière raisonnée et critique tout en respectant l’humain qui se cache derrière nos acquisitions en présentiel ou en ligne.
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